Le secourisme : entre formation et passion

Catastrophe du Mont Saint Odile - article 3 : causes des décés et organisation des secours

3ème partie : causes des décés et organisation des secours

I Causes des décès

Les victimes ont subi un choc frontal très violent. Un certain nombre d'entre elles ont de plus été totalement ou partiellement carbonisées.

Aucune trace de suie ou d'oedème pulmonaire n'a été trouvée à l'examen des voies aériennes supérieures et des poumons, ce qui aurait été le signe d'un incendie ou d'une explosion avant l'impact.

Toutes les victimes avaient subi des polytraumatismes. Certaines lésions ont été fréquemment observées au niveau de la tête, de la ceinture pelvienne, et de l'extrémité des membres inférieurs, par les médecins qui ont examiné les corps. Selon ces médecins, les lésions constatées au niveau de la tête pourraient être dues au choc contre la structure du dossier de siège situé devant le passager. Les lésions de la ceinture pelvienne seraient dues aux ceintures de sécurité qui, pour autant qu'on puisse le savoir, ne se sont pas rompues. Les lésions de l'extrémité des membres inférieurs pourraient être dues à la partie inférieure de la structure des sièges et à leurs attaches sur le plancher de l'avion.



Ces différentes lésions ont, d'après le rapport de l'institut de médecine légale de Strasbourg, provoqué la mort immédiate de quatre-vingt-une victimes (on a compté dans cette catégorie les deux victimes présumées dont les restes n'ont pas été identifiés). Ce même rapport précise que, sur les six victimes dont le décès est intervenu après l'impact, deux auraient probablement survécu si les secours étaient intervenus dans les deux premières heures (elles sont décédées pendant leur transport). Les quatre autres auraient peut-être pu avoir une chance de survie si les secours étaient intervenus dans les trente premières minutes.

II Organisation des recherches

A. Aspects réglementaires

L'organisation et le fonctionnement des services de recherche et de sauvetage des aéronefs en détresse en temps de paix sont prévus par l'instruction interministérielle du 23 février 1987.

Cette instruction attribue la direction générale des opérations au Centre de Coordination et de Sauvetage (RCC) géographiquement compétent. Cet organisme dépend du commandement opérationnel de zone de l'Armée de l'Air.

Le RCC détermine en particulier la zone probable de l'accident et les zones de recherches. Il assure la conduite d'ensemble des recherches et gère directement les moyens aériens, alors que la conduite des opérations de secours terrestres est déléguée au Préfet du département.

L'organisation et les procédures appliquées par le service d'alerte sont fixées par le règlement de la circulation aérienne (RCA 3-7 & 5-6). Les délais de déclenchement des phases d'urgence en cas de perte simultanée de contacts radio et radar sont respectivement de cinq minutes pour l'ALERFA et de dix minutes pour la DETRESFA.

L'instruction du 23 février 1987 est complétée par le protocole d'accord SATER du 8 septembre 1987 qui précise l'organisation des différentes phases des recherches terrestres.

Il s'agit des mesures :
  • SATER/1 (demande de renseignements n'impliquant aucun déplacement),
  • SATER/2 (recueil auprès de la population d'une zone déterminée d'un maximum d'informations),
  • SATER/3 (recherches approfondies sur le terrain lorsque le secteur dans lequel l'aéronef est recherché est localisé avec suffisamment de certitude). Le déclenchement de SATER/3 conduit à l'établissement d'une liaison permanente entre le RCC et la préfecture concernée.



B. Déroulement des recherches

Reconstitution des opérations de recherches et de secours basée à partir des comptes-rendus établis par le RCC de Drachenbronn, la Préfecture du Bas-Rhin et des témoignages recueillis par la gendarmerie :

  1. l'alerte a été déclenchée à 18h31 par l'approche de Strasbourg qui a prévenu le centre de coordination et de sauvetage (RCC) de Drachenbronn, le centre de contrôle de Reims (CRNA Est) et la préfecture du Bas-Rhin (18h34),
  2. à 18H34, le RCC a déclenché auprès de la préfecture le plan SATER/2, dans une zone centrée sur le Mont Sainte-Odile. Cette mesure a été confirmée au Directeur de la protection civile et au Groupement de gendarmerie de Strasbourg respectivement à 18H39 et 18H43. A 18h56, la préfecture a demandé aux radio amateurs de rechercher une éventuelle émission sur les fréquences de détresse (121,5 et 243 Mhz),
  3. à 19h09, la préfecture, sur demande du RCC, a déclenché la mesure SATER/3 dans un premier secteur de recherches entre le Mont Sainte-Odile et Andlau, étendu à 19h30 à un quadrilatère Mont Sainte-Odile, Barr, Andlau, Le Hochwald. Une Alouette III de la sécurité civile basée sur l'aérodrome de Strasbourg-Entzheim, a décollé à 19h13. Cet appareil a effectué des recherches visuelles à l'ouest d'une ligne rejoignant Barr au château de Landsberg. Cette zone se situait dans le quadrilatère défini mais ne couvrait pas totalement certains sommets, dont le Mont Sainte-Odile et la Bloss, couverts par des formations nuageuses.
  4. les radio-amateurs sont arrivés au Mont Sainte-Odile à 19h20 et n'ont entendu aucune émission de balise de détresse. Par la suite, douze équipes de deux radio-amateurs se sont répartis sur le terrain et ont participé aux recherches terrestres,
  5. le RCC a donné successivement à 19h40 et à 21h32 l'ordre de décollage à deux hélicoptères Puma équipés de jumelles de vision nocturne. Compte-tenu des conditions de vol rencontrées (vol de nuit dans le relief avec crêtes accrochées et risque de givrage), ces recherches, qui sont restées vaines, ont été effectuées hors nuages, en-dessous de 600 m,
  6. le RCC a demandé à 18h41 la restitution de l'enregistrement du radar de Drachenbronn et des dispositions similaires ont été prises par le CRNA Est. Les restitutions correspondantes n'ont été mises à la disposition du RCC respectivement qu'à 20h10 et à 22h04, compte tenu des moyens de restitution des trajectoires radar existant dans ces centres à la date de l'accident, et des procédures en vigueur quant à leur mise en oeuvre. Ces éléments n'ont permis au RCC de préciser et de réduire que très progressivement le polygone des recherches terrestres tel qu'il avait été défini à 19H09 et 19H30,
  7. les recherches se sont donc déroulées essentiellement à l'aide de moyens terrestres à partir d'un PC opérationnel (PCO) qui s'est installé à 20h45 à la gendarmerie de Barr. Elles ont été conduites avec des moyens croissants en fonction des informations disponibles au PCO et au RCC. Leurs composantes principales ont été les suivantes :
  • de 19h40 à 21h environ, 24 patrouilles de gendarmerie ont sillonné, par la route, le premier quadrilatère défini ainsi que les vallées d'Andlau et de Villé et le secteur d'Obernai-Ottrot,
  • à partir de 20h00, les centres de secours de Villé, Schirmeck et Urmatt ont effectué des recherches dans un secteur situé dans l'ouest du Mont Sainte-Odile pour environ 5 km,
  • à 20h15, le RCC a confirmé la zone de recherches définie à 19h09 en demandant que les ratissages soient concentrés dans la région de Buchenberg. Deux patrouilles de gendarmes ont été dépêchées sur les lieux; leurs investigations n'ont rien apporté ; en fonction des indications données au PCO par deux agents d'Air Inter sur le point survolé par l'A320 lors de son dernier contact radio (Breitenbach), trois zones de recherches de 3 km de côté ont été définies à 20h45, assorties d'un ordre de priorité décroissant.

La zone N°1 était centrée sur La Bloss et l'intention était d'y engager les forces de gendarmes mobiles au fur et à mesure de leur arrivée pour qu'elles ratissent ce secteur avec l'aide des sapeurs-pompiers et des guides du Club Vosgien.

Le déploiement des différentes équipes de recherche dans cette zone a été effectué de 21h00 à 21h35:

  1. à 21H25, le RCC a demandé d'accentuer les recherches sur un axe orienté au 320° partant du château de Landsberg vers le point coté 826 (La Bloss)
  2. à 22h04, le RCC a donné à la préfecture les coordonnées du dernier plot enregistré par le CRNA Est (48° 25' 37N ; 007° 24' 42E) en précisant que l'appareil pouvait se trouver vers la cote 826 (La Bloss),
  3. à 22h10, il a été demandé à un régiment de l'Armée de Terre (200 personnes) de partir ratisser la zonen°2 (mission annulée à 22h20 en fonction de derniers témoignages reçus et confirmant l'orientation des recherches sur le massif de La Bloss).

Un rescapé valide a pu rejoindre la route et indiquer l'emplacement de l'épave, ce qui a permis l'intervention d'un groupe de gendarmerie mobile, qui a rejoint l'épave à 22h35.

Il faut noter qu'un nombre important de véhicules privés a afflué très rapidement sur toutes les routes donnant accès au Mont Sainte-Odile, comme conséquence, semble-t-il, des annonces faites par les médias (notamment par les radios locales).

Note : Moyens mis en oeuvre:

- Gendarmerie (Mobile et Territoriale) : 350 personnes,
- Armées de l'Air et de Terre : 400 personnes,
- CRS : 100 personnes dont 24 motards chargés de la circulation routière et du contrôle d'accès au site,
- Sécurité Civile : 100 personnes,
- Radio amateurs : 24 personnes,
- deux hélicoptères Puma de l'ALAT,
- un hélicoptère Alouette III de la Sécurité Civile.

III Organisation des secours

A. Aspect réglementaire

En application de la loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, les préfectures doivent établir un plan d'urgence appelé "Plan Rouge".

Le Plan Rouge du Bas-Rhin, approuvé par arrêté préfectoral le 11 juin 1990, porte sur la mise en oeuvre des moyens de secours et des soins médicaux dans des circonstances telles que les moyens habituels seraient rapidement dépassés mais ne nécessitant pas le déclenchement du plan ORSEC.

B. Déroulement des secours

Le Plan Rouge a été lancé à 18h40. L'organisation du poste de commandement opérationnel (PCO) a été réalisée dans les conditions suivantes :

  1. le PCO a été implanté à la brigade de gendarmerie de Barr. Le sous-préfet, directeur des secours, le colonel commandant les opérations de secours (COS) et le colonel commandant le groupement de gendarmerie se sont tenus exclusivement à ce poste de commandement,
  2. le regroupement des moyens de secours médicaux selon le schéma prévu par le plan rouge départemental, s'est effectué au centre de secours d'Obernai désigné à l'ensemble des services comme le point de première destination (PPD).

Ces localisations ont été choisies en fonction de leur position à proximité de la zone des recherches couvrant les deux accès principaux au massif (Barr et Ottrott).

Lorsque l'épave a été retrouvée les premiers secours ont été apportés par les premiers arrivés, c'est-à-dire les gendarmes mobiles, tous secouristes, rapidement rejoints par trois médecins militaires et un ou deux médecins civils. Des renforts ont été demandés d'urgence et les survivants ont tous été localisés avant 23h00.

Avant l'arrivée vers 23h20 de la première colonne de secours venant de Barr, quatre personnes jugées transportables par les médecins militaires ont été évacuées par les gendarmes mobiles vers le parking de la Bloss, où étaient garés les premiers véhicules de secours, soit à dos d'homme soit à bras soit encore à l'aide de brancards de fortune.



Sept autres personnes ont été évacuées entre 23h20 et 0h15 par des moyens identiques. Certaines d'entre elles ont été examinées et médicalisées sur le site par des médecins militaires.



La deuxième colonne de secours venant d'Obernai via Ottrott et apportant des brancards est arrivée environ 45 minutes après la première. Après une montée difficile due à l'état des routes et aux encombrements occasionnés par les curieux, la mise en place des véhicules a été compliquée par la présence d'un grand nombre d'autres véhicules (autres secours, service d'ordre, badauds, journalistes).

En montant vers le site de l'accident les médecins et secouristes ont croisé la colonne descendante. Les blessés ont alors été pris en charge sur des brancards et transportés sur la départementale où se trouvaient les ambulances.

C'est à partir d'environ 1h30 que les évacuations vers les hôpitaux de la région ont commencé.

Deux victimes sont décédées pendant l'évacuation primaire (du site de l'accident vers les ambulances).

Source : Rapport de la commission d'enquête F-ED920120


Prochain article :  recherche, survie, sauvetage et conclusion du rapport.


20/09/2008
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