Le secourisme : entre formation et passion

Catastrophe du Mont Saint Odile - article 4 : survie, recherche et sauvetage

SURVIE, RECHERCHE ET SAUVETAGE

I Survie à l'impact et à l'accident

Dans cette partie, la commission d'enquête analyse les conditions de préparation de la cabine avant l'atterrissage, les causes de la mort des victimes de l'accident et l'état des sièges après l'impact.

Les caractéristiques de cet accident, et en particulier l'énergie d'impact, ne correspondent pas à une situation où on s'attend normalement à des survivants. Plus précisément, les accélérations subies par la cellule de l'avion et son niveau de fragmentation sont tels que les facteurs de survie individuelle ne sont accessibles à aucune modélisation connue. Dès lors, les leçons qu'on peut tirer d'un tel accident en matière de sécurité passive sont assez limitées. La commission a cependant entrepris une réflexion sur le sujet, tout en restant fort consciente des limites de l'exercice.

A. Sécurité

Les consignes de préparation de la cabine avant l'atterrissage ont été appliquées et tous les passagers étaient vraisemblablement attachés. Toutefois un membre du personnel navigant commercial n'était pas assis et attaché mais très probablement encore debout en cabine au moment de l'impact. Le poste de sécurité de ce membre d'équipage était situé à l'arrière de l'appareil dans la partie où il y a eu des survivants. La commission a analysé la séquence des opérations à effectuer par le personnel navigant commercial avant l'atterrissage vis à vis du moment où ces opérations devraient être débutées afin que le PNC puisse en toutes circonstances être assis et attaché dans la phase finale du vol. Les circonstances de cet accident ne permettent pas de tirer de conclusions sur ce point mais un réexamen de ces procédures pourrait être utile de façon à s'assurer que la chronologie de ces opérations est bien telle que cette condition puisse être satisfaite.

B. Survivants et lésions

La commission d'enquête constate que, en dépit de la violence du choc frontal auquel a été soumis l'avion, neuf personnes ont survécu à cet accident. L'examen de quelques sièges n'a pas permis d'évaluer précisément les facteurs de charge auxquels ils ont été soumis et n'a pas fourni d'éléments significatifs supplémentaires pour expliquer le nombre et la répartition des survivants.



Toutes les victimes ont subi des polytraumatismes, pour certains très étendus. Certains types de lésions présentent toutefois une fréquence particulièrement élevée et il a paru intéressant de les relever pour pouvoir discuter de leur rapport possible avec certaines caractéristiques des sièges ou de leur disposition en cabine. Ce sont les lésions au niveau de la tête, les lésions au niveau de la ceinture pelvienne et les lésions de l'extrémité des membres inférieurs.

La fréquence et la nature des lésions au niveau de la tête orientent la réflexion vers un rôle possible de la structure du dossier du siège placé devant chaque passager. Les lésions pelviennes orientent la réflexion vers un rôle possible des ceintures de sécurité qui, pour autant que l'on puisse le savoir, n'ont pas été détruites. Enfin les lésions des membres inférieurs ont pu être dues pour partie aux attaches des sièges à la structure de l'avion.



La fréquence élevée de certaines lésions subies par les victimes a amené la commission d'enquête à examiner les essais et vérifications effectués par le constructeur ou l'administration pour s'assurer de la conformité de cet avion, dans la configuration choisie par Air Inter, avec les exigences réglementaires en matière de sièges et de ceinture de sécurité.

C. Sécurité dans l'avion

Les exigences de certification concernant le sièges passagers et les ceintures sont fixées par les paragraphes JAR 25-785(a), JAR 25-785(c) et JAR 25-785 (i) du règlement conjoint de certification européen. Dans le cadre de la certification de type, les sièges passagers et les ceintures correspondantes ne sont pas identifiés de façon individuelle car ces équipements sont, d'une façon générale, choisis par la compagnie utilisatrice. Cependant les exigences qui leur sont applicables sont contenues dans un document, approuvé par les autorités de certification, intitulé "sièges passagers; spécification cadre". Pour ce qui est de la certification individuelle de chaque avion, l'avionneur présente pour approbation aux autorités compétentes un dossier dans lequel la conformité aux exigences de la certification de type est démontrée pour les équipements spécifiques à cet avion.

Le dossier remis par Airbus Industrie pour approbation de la cabine passagers de l'avion F-GGED (dossier ref MBBTLQ 21/135/03/88 Edition 4) se réfère pour les sièges passagers à la spécification approuvée lors de la certification de type (Ref 00D2520004/C01). La conformité de l'avion aux exigences de certification a été confirmée par les rapports d'inspection TLQ 21-562/12/88 et 10D021K4590S12. En ce qui concerne les ceintures de sécurité, elles ont été reconnues conformes au TSO C22F délivré par la FAA.

La commission d'enquête a constaté que les exigences réglementaires avaient été satisfaites, mais elle a relevé que le règlement de certification applicable dans le cas de l'A320 (JAR 25 change 10) ne comportait que des essais statiques en ce qui concerne les sièges. Depuis lors, de nouvelles conditions techniques ont été imposées en Europe et aux Etats-Unis pour les sièges passagers, pour renforcer la protection des passagers dans les cas d'atterrissage d'urgence (JAR 25 change 13 publié le 05/1089). Les facteurs de charge statiques ont été augmentés et une exigence d'essais dynamiques pour les sièges a été introduite.

Cependant, la commission a été informée au cours de l'enquête que le type de siège qui équipait le F-GGED avait été soumis aux test HIC (Head Injury Criteria) à une date postérieure à celle de l'accident, et avait passé ces essais avec succès.

II Organisation des recherches

La commission d'enquête a travaillé sur ce point à partir des comptes rendus établis par le Centre d'Opérations de la Zone Nord-Est (compte rendu global d'opération SAR) et par la préfecture du BAS-Rhin (compte rendu de réunion du 14 février 1992).



A. Détermination du lieu précis de l'accident

La commission d'enquête a constaté qu'il avait fallu plus de quatre heures pour retrouver l'épave à partir du moment où l'alerte avait été déclenchée. Ce constat remet en cause bien des idées communément admises sur la recherche d'un avion de transport lourd en métropole. Il s'explique en partie par les caractéristiques du site de l'accident (forêt montagneuses enneigée), par les conditions de son occurrence (nuit d'hiver) et par les difficultés rencontrées pendant les opérations de recherche (conditions climatiques et absence d'émission de la radio-balise de détresse).

B. Moyens déployés

Compte tenu des conditions d'environnement (nuit, crêtes accrochées, givrage dans la couche, difficulté d'emploi des équipements de vision spéciaux), il a fallu essentiellement compter sur les moyens humains pour localiser l'épave par le biais d'opérations de ratissage. La commission d'enquête a donc analysé la façon dont avaient été conduites ces opérations de recherche terrestres et les rôles respectifs qu'y avaient joué le Centre de coordination de sauvetage (RCC) de Drachenbronn et le dispositif SATER dirigé par le Préfet du Bas-Rhin dans le cadre des dispositions réglementaires prévues.



C. Les recherches

Dans le cas des accidents aériens, le RCC assure la conduite générale des recherches. Il dispose pour ce faire de moyens adéquats et de personnels qualifiés capable d'exploiter les renseignements et les informations qui lui parviennent. Pour cet accident, les premiers renseignements ont été transmis au RCC par le centre de contrôle d'approche de Strasbourg à 18h31 avec le déclenchement de l'alerte. Le contrôleur d'approche ayant indiqué que la perte de contact radar avait eu lieu entre 8 et 9 NM dans le radial 230° du terrain de Strasbourg, le RCC a immédiatement (18H34) déclenché auprès de la préfecture la mesure SATER 2 dans la région du Mont Sainte-Odile.



C'est à partir de ces premiers éléments que le RCC a déclenché à 19H09 la mesure SATER 3 en définissant un premier secteur de recherche entre le Mont Sainte-Odile et Andlau, qu'il a ensuite étendu à 19h30 à un quadrilatère Mont Sainte-Odile/Barr/Andlau/Le Hohwald. La commission d'enquête considère que la définition de cette première zone de recherche était cohérente avec les premiers éléments connus du RCC (position de l'avion au nord de l'axe d'approche en fin de guidage, limites de précision du radar, trace au sol de l'axe de piste, repères de la procédure). La commission note toutefois qu'elle présentait une surface importante (21 km2) nécessitant la mise en oeuvre d'effectifs importants sur le terrain.

La commission constate par ailleurs qu'il a fallu respectivement 1h30 et 3h30 pour que les enregistrements radar en provenance de Drachenbronn et de Reims soient communiqués au RCC et pour que celui-ci puisse resserrer la zone des recherches terrestres pour le PC fixe. Ce temps lui paraît excessif compte tenu des moyens de traitement de l'information existant dans ces centres (poursuite radar des vols, enregistrement des données sur les vols, programmes de revisualisation). Enfin, certains centres étrangers auraient également pu être sollicités à cette fin (Karhsruhe par exemple).



La commission relève également que le premier secteur de recherche, dont la définition s'est révélée appropriée, (entre le mont Sainte-Odile et Andlo), a été très vite étendu à une zone plus vaste avant d'être progressivement recentré sur cette première définition. Elle s'est donc interrogée sur les causes de ce phénomène de dilution sans pouvoir pour autant y apporter de réponse précise. Le souci d'identification de la zone de recherche par des repères géographiques facilement identifiables par les moyens terrestres peut constituer un élément de réponse à cette question.



La commission note enfin que, malgré la mise en place par la base aérienne de Strasbourg d'un officier de l'armée de l'air au PC fixe de la préfecture, l'échange des informations entre le RCC et le PC fixe prévu au paragraphe 5.1.3 du protocole SATER Transports-Intérieur- Défense du 08 septembre 1987 parait n'avoir pas bien fonctionné, notamment dans le sens PC fixe vers RCC (le RCC n'a en effet été informé que de deux des témoignages qui avaient été reçus du terrain). Ceci peut provenir de difficultés rencontrées au PC fixe pour faire la synthèse des informations reçues. La commission a remarqué à cette égard que ces difficultés de coordination et de remontée des renseignements, en provenance des unités engagées sur le terrain notamment vers les PC fixes et organismes SAR étaient déjà apparues fréquemment dans les opérations SATER.



En fonction des informations dont il disposait,il semble que le rôle du RCC pour préciser le polygone des recherches terrestres se soit limité à quelques indications transmises au PC fixe: à 20H15 confirmation du premier polygone et demande de ratissage dans la région du Buchenberg, à 21h25 demande d'envoi de moyens terrestres entre le château de Landsberg et la cote 826 (La Bloss), à 22h04 communication de la dernière position connue par le centre de Reims et indication de la Bloss comme lieu possible de l'accident.

D. Les opérations de secours

La conduite des opérations de recherche terrestres a donc essentiellement été assurée par les représentants du Préfet du Bas-Rhin. Un PC fixe a été activé immédiatement à la préfecture. Le PC opérationnel a été installé à Barr (20h45). Le rassemblement des moyens de secours pompiers SAMU s'est opéré à partir de 19h20 au centre de secours d'Obernai désigné comme le point de première destination. La direction des recherches y a été assurée par le commandant du groupement de gendarmerie départementale rejoint par le sous-préfet de Sélestat. La commission d'enquête n'a pas analysé en détail la totalité des opérations de recherche qui avaient été menées et n'est donc pas en mesure de formuler à cet égard une appréciation globale suffisamment fondée. Deux points lui paraissent toutefois devoir être relevés.



Tout d'abord l'ampleur des recherches terrestres à lancer notamment du fait de l'importance de la première zone de recherche (21 KM2) et des limitations imposées aux moyens aériens, a immédiatement dépassé tous les moyens de la gendarmerie départementale. Des renforts ont été demandés à partir de 19h30 à la Gendarmerie Mobile et à l'Armée de Terre. Compte tenu des délais de rappel et de route, ils ont été disponibles sur zone, respectivement à 21h30 et 22h. Ce n'est qu'à partir de l'arrivée de ces renforts que les opérations de ratissage intensif ont pu commencer. On peut donc se demander s'il n'aurait pas été préférable, dans les circonstances de cet accident, d'alerter et de mobiliser des effectifs importants dès le déclenchement de la mesure SATER/2, de façon à permettre une mise en oeuvre plus rapide et plus complète de la mesure SATER/3 dès son déclenchement.



D'autre part, si un grand nombre d'opérations de recherche ont été lancées au cours des deux premières heures par les responsables opérationnels, en fonction des éléments disponibles ou d'informations diverses, le dispositif de recherche dirigé à partir du PC fixe de la préfecture paraît n'avoir atteint sa pleine efficacité qu'à partir de l'installation du PC opérationnel à Barr vers 20h45 et de son ralliement par les responsables des différents services. Il est donc possible que, dans un premier temps, les décisions n'aient pas intégré toutes les informations disponibles du moment. Ceci met en évidence l'importance de la rapidité de la mise en place du PC opérationnel et de son armement avec tous les responsables concernés, l'importance aussi du choix de son implantation et des moyens de liaison dont il est doté pour communiquer avec les équipes sur le terrain et avec les autres organismes.



En résumé, la commission d'enquête constate que les phases d'urgence ont été déclenchées dans les délais prescrits et que les opérations de recherche ont été conduites conformément aux textes en vigueur. Elle a toutefois relevé le délai important de restitution des trajectoires radar de l'avion, le délai de montée en puissance du dispositif terrestre vis à vis de l'importance de la zone de recherche, les difficultés rencontrées dans l'échange des informations entre RCC et préfecture, notamment dans le sens PC fixe vers RCC.

III Conclusions sur les opérations de recherche et de secours

En ce qui concerne les opérations de recherche et de secours, la commission a noté :

  1. la survie de plusieurs personnes malgré l'extrême violence de l'impact;
  2. la destruction à l'impact de la radiobalise de détresse. Cet équipement n'a donc pu jouer aucun rôle dans les opérations de recherche;
  3. les mauvaises conditions météorologiques qui ont gêné les opérations de recherche;
  4. la longueur et la difficulté des opérations de recherche qui infirment des idées reçues concernant la facilité de découverte de l'épave d'un gros avion de transport;
  5. les difficultés de coordination des dispositifs de recherche et le temps nécessaire à la montée en puissance du dispositif de recherches terrestres;
  6. les difficultés rencontrées dans l'organisation et la conduite des opérations de secours, entraînant notamment la non intervention sur le site des équipes médicales spécialisées dans le traitement des polytraumatismes graves ;
  7. la gêne causée aux opérations de secours par l'encombrement des routes d'accès au Mont Sainte-Odile.

Source : Rapport de la commission d'enquête F-ED920120

Prochain article : le plan SATER


05/10/2008
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